Pouvez-vous nous parler de votre dernier projet ? Qu'est-ce qui vous a inspiré pour réaliser votre 7eme album - Mami Wata ?
Quand je travaille sur un nouveau projet, je ne me dis pas que je travaille sur un disque. J'écris des chansons au grès de mes inspirations, puis un jour, je réalise que j'en ai suffisamment et que c'est l'heure de sortir un nouveau disque.
Pour ce dernier album, je l'ai créé à Tahiti car cela fait presque 5 ans que je vis sur cette île. Après, certaines chansons ont aussi été écrites lors de voyages comme à Paris où je m'étais rendue pour donner des concerts. C'était au moment du meurtre de Zina Amini en Iran en 2022 et cela m'a donné l'inspiration pour la chanson Woman dans ce nouveau disque.
Néanmoins, mon inspiration principale, ça reste l'océan. La mer, l'eau, c'est mon élément. La mer, c'est la vie, c'est une énergie féminine. Je crois fermement que chaque femme a un océan en elle. D'ailleurs, quand la vie commence, c'est toujours dans l'eau. Quand on pleure, on a du sel dans les larmes qui rappelle la mer. Ça nous entoure, ça fait partie de nous. Et c'est ce qui m'inspire au quotidien.
Est-ce que vous écrivez d'abord les paroles ou la musique ?
Les deux. Il n'y en a pas une qui prime sur l'autre. Tout se fait en même temps. Je prends ma guitare, je gratte les cordes et les mots viennent en même temps que les accords. Ça permet de faire ressortir des émotions et c'est important, car c'est ce qui est à l'intérieur de nous. Ça fait parler notre âme au moment M. Les paroles et la musique sont indissociable dans mon processus créatif.
Quelle chanson vous ressemble le plus, et pourquoi ?
Il n'y a pas une chanson qui me ressemble le plus, je ne peux pas choisir. Par exemple, je suis très mélangée, je suis noire, je suis blanche, je me considère citoyenne du monde. Ma musique est comme ça aussi. Toutes mes chansons font partie de moi. Si on écoute qu'une chanson parmi toutes celles que j'ai écrites, on a un portrait incomplet de qui je peux être. Il manque des pièces au puzzle.
Vous serez bientôt à Limoges pour le festival Limoges Music Vibes. Que représente la scène pour vous ?
Tout a commencé sur la scène. D'ailleurs, je préfère la scène plutôt que le studio. C'est là où il y a quelque chose qui se passe entre l'audience, les musiciens et moi. Il y a une notion de partage dans la musique. Je ne pourrai pas vivre sans la scène en fait, elle est trop importante. Elle m'inspire, me permet de voir si les chansons fonctionnent ou non. Entendre le public chanter les paroles en choeur avec vous, c'est incroyable.
Quelle est l'émotion que vous voulez absolument transmettre lorsque vous êtes sur la scène ?
Dans ma musique, il y a beaucoup de mélancolie, mais également beaucoup de joie. Néanmoins, mélancolique ne signifie pas forcément triste. Je garde toujours la foi, c'est très important. On peut se sentir perdu dans notre vie, comme au pied d'un mur, mais cette foi nous permet de ne pas perdre espoir. Les émotions sont un langage universel, on est tous pareil à travers nos hauts et nos bas. Encore une fois, c'est comme avec l'eau qui m'inspire, les vagues qui montent et qui descendent. C'est tout simplement la vie.
Vous avez toujours été une artiste engagée, notamment sur les questions d'identité, de liberté. Est-ce que cet engagement influence votre musique ?
Bien sûr, la musique c'est avoir la possibilité de porter une parole au plus grand nombre, de donner de la voix à ceux qui ne peuvent pas. Il y a beaucoup trop de monde qui n'arrivent pas à se faire entendre, qui ont besoin de faire passer un message et j'essaie de changer ça à travers ma musique. Je reprends l'exemple de la chanson Woman : je ne pouvais pas me taire et faire comme si j'étais aveugle. La solidarité est une des valeurs que je porte, elle est si importante dans notre société actuelle.
Vous avez une vie assez cosmopolite, entre l'Allemagne, le Nigeria, la France... Comment ces cultures influencent-elles votre travail ?
Parmi mes cultures, je peux parler surtout du Nigeria car j'ai beaucoup grandi avec mon père (ndlr, son père est nigérian et sa mère est allemande). La façon dont je tiens ma guitare, dont je joue ma rythmique, c'est beaucoup plus nigérian qu'allemand. Dans ce nouvel album, c'est la toute première fois où j'ai enregistré une chanson en allemand. J'ai découvert la musique germanique assez tard, car ça ne m'avait vraiment pas touché avant. Mais j'ai appris à la découvrir aujourd'hui et j'ai fait de belles trouvailles musicales. Comme quoi, il n'est jamais trop tard.
Je suis en tout cas convaincue qu'il n'y a pas qu'une seule culture qui nous inspire mais tout ce qui nous entoure, même celle d'un pays où on n'a pas vécu longtemps. L'être humain est comme une éponge, il absorbe ce qu'il voit et il transforme ça en inspiration, qu'il y soit resté une semaine ou un an, du moment que ça nous touche.
Si vous pouviez collaborer avec n'importe quel artiste vivant ou disparu, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Bob Marley, sans aucune hésitation. Car j'adore sa musique, puis ses messages sont encore plus importants que jamais aujourd'hui. C'est l'artiste qui a toujours parlé de l'injustice, de l'amour, de l'unité... Les sujets qu'il évoquait étaient en avance sur son temps et résonnent d'autant plus aujourd'hui.
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