Interview exclusive de François Buffaud - trio

Passionné de poésie autant que de musique, c’est tout naturellement dans les pas de la chanson que François Buffaud marche vers nous. De son parcours atypique on retient quatre albums dontun, Les cabines de plage, récompensé par la sacem. Sur scène, sublimé par des complices de grand talent, Sébastien Debard (piano & accordéon), Philippe Parant (guitare) et Pierre Jandaud (régie son), l’artiste prend toute sa dimension. Au fil de son répertoire se dessine un homme sincère, sensible, plein d’humour et tendresse.

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Vous participez aujourd’hui au festival Limoges Music Vibes. Qu’est-ce que ce genre d’événement représente pour vous, qui êtes attaché aux scènes intimistes ? 

Je suis assez cabot pour proposer mes chansons partout où on veut bien de moi et d'elles. Pour l'illustre inconnu que je suis qui ne passera jamais chez Drucker, j'ai déjà fait des scènes plus ou moins grandes un peu partout en France. J'ai même déjà participé à l'événement Musiques au musée, il y a plusieurs années à Limoges. Mais c'est vrai que c'est dans ces petits lieux - les habitations des particuliers, les lieux associatifs - que je m'éclate et que j'ai aussi la possibilité de faire des captations vidéo pour présenter ce que je fais.

Néanmoins, je savoure les petits lieux comme les grands lieux. Souvent d'ailleurs, je trouve que c'est plus difficile de jouer dans des petits lieux parce qu'on voit le visage des gens, la relation instaurée est différente aussi. On sent les gens suspendus à ce qu'on raconte et ce qui est difficile dans ce métier, c'est qu'il ne faut pas se reposer sur ses acquis. Ce qui a plu la veille peut ne plus plaire le lendemain. Mais en même temps, ça reste magique parce que c'est évident.

Ça a l'air de vous faire rêver en tout cas.

Ah, ça m'a fait rêver longtemps et maintenant je rêve en étant éveillé. Je savoure chaque instant, car j'ai de la chance de faire ce que je fais. Je n'ai pas toujours osé - même si j'ai toujours fait de la musique dans mon coin, avec les copains...

Quel est l’état d’esprit dans lequel vous abordez ce concert à Limoges, une ville où vous avez longtemps vécu ? 

Je l'aborde en sachant que j'ai eu plein de coup de fil de gens qui disent qu'ils se souviennent de moi et qu'ils seront là pour le concert à Jean-Gagnant, donc on va très vite être complet (rires). En vrai, encore une fois, je l'appréhende avec le même plaisir que les autres concerts, surtout à l'idée de retrouver mes complices, parce qu'on ne joue pas toujours ensemble lors de nos dates.

Puis, faire un concert à Limoges, c'est la ville où j'ai passé ma terminale, puis fait mes études de kiné. J'ai travaillé au CHU Dupuytren, et le basket est venu me chercher. J'ai travaillé pour le CSP pendant 12 ans en tant que kiné. Je devais être avec eux seulement un an, j'y suis resté jusqu'en 2004. J'ai vécu neuf titres avec l'équipe à une période où j'avais encore des cheveux (rires). C'était déjà un peu du showbiz, sauf que j'étais régisseur au lieu d'être dans la lumière. C'était une aventure incroyable.

Quand je vous écoute, j'ai l'impression que vous avez vécu 1000 vies !

Peut-être. C'est vrai que ma vie est bien remplie, mais il y a encore des choses à faire ! Je n'ai que 66 ans. Toutefois, c'est vrai que la chance que j'ai, je crois, c'est d'avoir toujours savouré l'instant présent. J'ai même une chanson qui l'évoque, tout simplement une chanson d'amour "Pourvu que ce soit avec toi, tant pis si c'est la dernière fois". Et cette chance-là, oui elle est importante pour moi quand je fais quelque chose tout en sachant que demain, ça sera différent.

Vous avez mené de front deux vies : celle de kiné et celle de chanteur. Qu’est-ce qui vous a poussé à monter sur scène, au-delà du plaisir personnel de la musique ? 

Tout d'abord, c'est un accident de vie, la maladie qui m'a poussé dans les draps de l'hôpital et où là, plus que jamais je me suis dit que ce qui marchait hier, ça ne marchera peut-être pas demain. Puis, ma compagne m'a dit "si tu remarches, si tu rejoues de la guitare, s'il te plaît, tu ne feras que ça". Aujourd'hui, je suis moins riche d'argent, mais je suis riche de l'essentiel. Ou, d'en tout cas, de ce qui est pour moi l'essentiel.

Et j'avais aussi les copains qui me disaient que je devrais ne faire que de la musique. Et c'est aussi parce qu'après avoir fait quelque chose à fond comme mon métier de thérapeute, de kiné avec l'équipe, que j'ai basculé vers quelque chose que je devais faire à fond aussi. Quand j'ai travaillé avec le CSP, je savais que je mettais la guitare au placard pour un temps, pour mieux la retrouver.

Ce n'était pas facile de switcher le cerveau sur deux choses différentes quand j'essayais de faire cohabiter mon métier et la musique. Mais un jour, une ancienne patiente m'a dit "tu nous as toujours touché. Avant, c'était avec tes mains, maintenant, c'est avec tes mots". Et ça m'a fait infiniment plaisir.

On vous qualifie souvent de poète du quotidien. Comment naît une chanson chez vous : d’un mot, d’un souvenir, d’un regard sur les gens ? 

Un petit peu tout ça à la fois. En fait, le mot qui relie ce que vous avez dit, c'est l'émotion.

Je peux être très besogneux, c'est-à-dire qu'il y a une chanson qui va mettre des années à mûrir parce que je ne trouve pas le bon mot, et d'autre fois il y a une chanson qui va me venir d'un coup. Par exemple, celle qui s'intitule Un compte en banque. Je vois cette chanson comme une boutade, car je ne comprends rien au monde de la finance, et je me suis amusé à prendre les mots qui sont ceux de ce milieu, qu'on ne peut pas comprendre si on n'y travaille pas : ça m'a pris 10 minutes.

Voilà, ce sont donc souvent des choses qui s'imposent à moi au fil des jours, des semaines. Je suis avec la guitare sur les genoux et la guitare pousse le mot, le mot attire la guitare... Les deux ne vont pas l'un sans l'autre. Je me rends compte qu'il m'est impossible de ne pas composer sans ma guitare, c'est indissociable. 

Le temps, l’amitié, les petits instants de vie sont très présents dans vos chansons. Pourquoi ces thèmes vous touchent-ils particulièrement ? 

Les thèmes du temps qui passent, c'est un petit peu des choses qui sont arrivées plus tard dans mon répertoire. Je me suis retourné sur toutes ces vies et sur ce temps qui est passé, les amis chers qui ne sont plus là... et en même temps, j'en suis arrivé à me convaincre que ce qui aurait été triste, ça aurait été de ne pas les rencontrer. Ces thèmes, ce ne sont pas de la tristesse, c'est solide au contraire de pouvoir affronter le temps qui est passé et de savoir ce qu'il a pu apporter de savoureux dans nos vies.

Donc oui, ce qui me touche encore une fois, ce sont les émotions qui peuvent être sur ce qui se passe. Après, je ne suis pas un chanteur engagé, je suis juste engagé dans la chanson.

Vous travaillez avec des musiciens comme Sébastien Debard ou Philippe Parant. Comment se construit la complicité musicale au fil du temps ? 

Alors ce qui est fou, c'est que la complicité musicale, elle se solidifie avec le temps, mais dès le départ elle est une évidence.

Sébastien, je l'ai rencontré quand j'avais soigné les musiciens dans le studio de Beauvais où il était un petit jeune au milieu de ces vieux requins. Et ce jour-là, on se retrouve, lui et moi, à jouer mes chansons. Je lui présente une grille et en plus, j'étais tout fier parce que c'était la seule chose que j'avais appris à faire et là, il me sort "mais je m'en fous de la musique, moi ce que je veux savoir, c'est ce que tu racontes". Et là, il a pris le texte, sans aucune note musicale, il l'a mis sur le pupitre et il m'a accompagné direct. C'était fou et c'est comme ça que l'aventure a débuté entre Sébastien et moi.

Avec Philippe, c'est arrivé un peu plus tard. Je faisais partie du dispositif culturel du département pour aller jouer dans des lieux où il y avait rarement des animations musicales. Donc je me retrouve seul dans un petit festival parce que Sébastien était en tournée au Japon à ce moment. Et il me dit de trouver quelqu'un d'autre du coup. A l'époque, je connaissais d'autre accordéonistes talentueux mais je fonctionne à l'humain. Et j'avais rencontré Philippe un an auparavant et j'ai donc dit que c'était avec lui que je voulais jouer car c'était une évidence pour moi. Je l'appelle et il est libre à ces dates. Il me demande que je lui envoie mon album pour s'imprégner de la musique et il me rappelle pour me dire "François, tu crées les chansons que je voudrais créer". Je me souviens lui avoir répondu "Et toi Philippe, tu joues de la guitare comme j'aimerais en jouer". (rires)

J'ai tellement aimé jouer avec Philippe que je me suis dit que je devais les faire se rencontrer avec Sébastien. Donc je les rassemble, on boit un café puis on prend nos instruments pour jouer. Ils improvisaient les mêmes notes au même moment. C'était incroyable et c'est ainsi que notre trio s'est créé. Au-delà de la musique, c'est une histoire d'amitié.

 

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